10 décembre 2008

Charles Bovary ou le savoir-faire de Flaubert

La première Madame Bovary que l'on découvre dans le célèbre roman de Gustave Flaubert n'est pas forcément celle que l'on croit. Le récit s'ouvre sur une saynète d'une école de province : un "nouveau", un garçon timide et consciencieux n'ose pas jeter à terre, comme ses camarades, la casquette neuve et ridiculement pédante que sa mère lui fait porter. En un chapitre, Flaubert raconte comment un amour maternel implacable amène Charles, futur mari d'Emma, à surpasser sa médiocrité pour atteindre un statut social acceptable. Madame Bovary mère veut que son fils devienne médecin. Le jeune homme, installé en ville pour faire ses études, est étourdi par la liste des matières qu'il doit suivre. "Il n'y compris rien ; il avait beau écouter, il ne saisissait pas. Il travaillait pourtant, il avait des cahiers reliés, il suivait tous les cours, il ne perdait pas une seule visite. Il accomplissait sa petite tâche quotidienne, à la manière du cheval de manège, qui tourne en place les yeux bandés, ignorant de la besogne qu'il broie." On retrouve dans cet extrait tout le savoir-faire de Flaubert, sa syntaxe faite de phrases simples, percutantes qui s'amoncèlent pour se conclure sur une métaphore dont l'évidence est presque cruelle.

Une nuit, Charles, désormais médecin de campagne, est appelé pour soigner une fracture, par chance, "simple". Il rencontre ainsi Emma et son père, le blessé. Veuf d'un premier mariage malheureux, Charles tombe sous le charme d'Emma. C'est par lui que l'on découvre cette jeune femme au teint pâle "dont le regard arrivait franchement à vous avec une hardiesse candide". Après une cour dont la dimension romantique qui trouble Emma est surtout le reflet de la maladresse et de l'inexpérience de Charles, le mariage est rapidement décidé. En homme heureux, M. Bovary s'empâte dans un quotidien confortable, quant à Madame... après tout juste cinquante pages, la problématique tombe comme un couperet : "Avant qu'elle ne se mariât, elle [Emma] avait cru avoir de l'amour ; mais le bonheur qui aurait dû résulter de cet amour n'étant pas venu, il fallait qu'elle se fût trompée, songeait-elle. Et Emma cherchait à savoir ce que l'on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d'ivresse, qui lui avaient paru si beaux dans les livres".

Actuellement, la librairie Loliée propose :
  • Flaubert (Gustave). Madame Bovary. Mœurs de province. Paris, Michel Lévy Frères, 1857, 2 tomes reliés en un volume, in-12, plein maroquin rouge, dos à nerfs, plats ornés d’un quadruple filet doré, encadrement intérieur orné de même, tranches dorées sur témoins, couvertures conservées, étui (Chambolle-Duru). Édition originale. Exemplaire de premier tirage.